Roche Pharma
Le quartier et l’immeuble
Occupé jusqu’en 1992, dans sa presque totalité par les usines Renault, dont il est le berceau, le quartier du Trapèze, à Boulogne-Billancourt, a entamé depuis 3 ans une profonde mutation. Réduit à l’état de friche industrielle par le départ de celui qui fut son seul et unique occupant pendant près d’un siècle, le quartier cherche aujourd’hui à se convertir en véritable portion de ville. Cette aspiration ô combien ambitieuse, puisqu’elle signifie, de fait, une totale métamorphose sous la contrainte notamment des bouleversements économiques contemporains.
C’est peut-être à Jean Nouvel qu’est incombée la tâche la plus délicate du projet : donner au quartier une image, le doter d’un édifice majeur capable d’affirmer l’identité du lieu en sa métamorphose : la Tour Horizons. À la commande initiale — un immeuble de bureaux à grand hauteur, capable de marquer de sa présence un paysage urbain nouveau, situé en un point-clef, économique et géographique, de la périphérie parisienne —, l’architecte a répondu par un objet singulier dont la nature semble échapper à la typologie admise de ce type de bâtiment. Qualifiée par son créateur de « non-tour », l’édifice récuse ostensiblement l’image de bloc monolithique qui est ordinairement associée à ses pareils, et se présente comme trois bâtiments distincts empilés l’un sur l’autre, et différemment orientés.
Façades de béton noir sculptées à la main, jeu mécanique de brique et de ciment, serre géante couronnée d’un miroir — ces trois traitements définissent quatre paliers successifs, qui eux- mêmes proposent la lecture de cinq paysages, depuis le nouveau parc autour duquel s’articule le futur quartier, au paysage virtuel réfléchi au somment de la tour, en un miroir — ultime mise en abîme du projet, qui vient inscrire la terre en plein ciel.
Le schéma directeur du nouvel aménagement
L’espace occupé par la société Roche Pharma France dans la Tour Horizons représente quelque 15 000 m2, dont 13 500 ont fait l’objet d’un aménagement complet confié à DEGW France. Cet espace est réparti sur 11 étages (du 8ème au 18ème), et deux volumes différents, dont les enveloppes affichent des caractères radicalement opposés : la brique évoquant de manière explicite le passé industriel du site ; la serre en verre placée sous le signe de la transparence et du reflet. Chacune ouvrant sur un paysage singulier, et offrant autant de points de vue sur la ville, autant d’horizons.
La démarche de réflexion conduite par DEGW France au sein de l’entreprise à l’occasion du projet et a permis de dégager un certain nombre de notions qui qualifient, de fait, le caractère spécifique de l’activité de Roche Pharma France, partagée également entre recherche fondamentale, mise au point, production et diffusion de produits pharmaceutiques. Ces notions se sont trouvées évoquées sous forme de mots référents propres à servir de fil rouge au branding de la société : fil rouge que le maître d’ouvrage à tenu à voir inscrit dans le projet dès son commencement : savoir faire et faire savoir, tradition et modernité, expérience, audace et innovation, calme et sérénité. Autant dire que le projet d’aménagement intègre dès l’origine plusieurs termes contradictoires qu’il est facile d’associer à d’autres couples de contraires comme ombre et lumière, repli et ouverture, silence et bruit, intimité et partage. Ces jeux de paradoxes trouvent naturellement leur place dans le bâtiment de Nouvel, lui-même objet phare d’un quartier en plein renouveau, tiraillé entre passé et avenir, entre légende et histoire, mémoire et mouvement.
C’est ce volume singulier que Roche Pharma France entend s’approprier, en tant qu’entreprise, en tant que marque, mais aussi en tant que groupe d’individus unis par un intérêt commun. Or, l’aménagement des lieux en open space voulu par la direction dans un souci de transparence et de refonte des rapports entre collaborateurs, mais aussi imposé plus trivialement par la nécessité d’utiliser au mieux la surface disponible, paraît là encore s’opposer au besoin de chacun d’être maître en son domaine. DEGW France, responsable de l’aménagement du projet, n’a pas cherché à démonter cet empilement de contradictions et de paradoxes révélé par le projet, mais s’en est servi au contraire de principe directeur pour structurer l’espace sur un ensemble d’oppositions.
Une des idées directrices du projet a été d’accompagner les qualités du bâtiment. Construite autour d’un noyau central très dense, aux ambiances sombres, marquant comme une coupure par rapport à l’extérieur, sinon un repliement, la tour s’ouvre à chaque étage vers la lumière, offrant une vue chaque fois différente sur le monde extérieur. Cette vue, associée au type de façade bornant l’espace permet de se repérer instantanément au débouché du palier. À cette progression du centre vers la lumière, le projet d’aménagement répond par une progression des espaces de circulation vers les espaces ouverts dédiés au travail individuel, avec un entre-deux composé de toute une variété de zones de regroupement temporaire : points café, salles de réunion, espaces clos permettant de s’isoler. Mais de la même manière que le bâtiment empile des lieux à usages différents et s’emploie à briser l’image de monolithe véhiculé par le concept de tour de bureaux, les espaces de travail se trouvent à la fois concentrés et morcelés, et rompent résolument avec la vision caricaturale de l’open space tel qu’il est parfois imprudemment pratiqué.
L’organisation de l’espace
DEGW France, responsable du projet d’aménagement a proposé une organisation en 4 « appartements » distincts, habités chacun par une quinzaine de personnes. Ils sont séparés les uns des autres par les barrières physiques existantes, comme la cloison de recoupement incendie, et par un ensemble d’espaces mutualisés indispensables à l’exécution du travail. L’appartement est une unité spatiale autonome et protégée de la circulation, à l’échelle des équipes Roche.
Au sein de chaque appartement, l’organisation topologique est liée aux groupes de postes de travail et à la mise en place d’un menu d’espaces complémentaires. On peut dès lors reconsidérer le plan de chaque étage, et y voir non plus trois zones concentriques organisées autour d’un noyau commun, mais plusieurs lieux de vie — généralement trois ou quatre —, rassemblant au plus une vingtaine de personnes, et disposant chacun d’un véritable « menu d’espaces », chacun dédié et adapté à un mode de travail particulier, et immédiatement identifiable, repérable, grâce à des jeux de formes, de lumières et de couleurs. Asservies à l’organisation, des dispositifs de correction acoustique ont été mis en œuvre pour délimiter des zones d’échange.
Conçu pour répondre aux besoins exprimés des collaborateurs, le « Take Five » est une combinaison rigoureuse de 5 postes de travail séparés entre eux par des cloisonnettes à mi hauteur et des rangements perpendiculaires. Ces séparateurs et le décalage des postes de travail, par ensemble de 2 dans la perpendiculaire de l’espace, limitent les vis-à-vis et augmentent l’autonomie des uns par rapport aux autres. Le dispositif spatial d’organisation proposé par la combinaison de plusieurs ensembles « Take five » sur une trame d’implantation rigoureuse, permet par l’autorité de la règle, de créer de la diversité et favorise les appropriations individuelles de chaque poste de travail.
En même temps, les couleurs des sols, les dispositifs lumineux, le rappel constant des mots-clefs participant au branding de la société, témoignent de l’unité, de la continuité logique de l’ensemble de ces espaces de travail et/ou de réception. C’est ainsi par exemple, que le point d’accueil, tel un déroulé de spirale d’ADN, s’étire par-dessus le salon d’attente pour se métamorphoser en comptoir de cafétéria.
Le mobilier Take Five en détails
Ce mobilier particulier répond à l’origine à un double besoin : celui de la direction de Roche Pharma France, désireuse de créer un nouvel environnement de travail propice à l’échange et à la communication, et celui de ses collaborateurs soucieux de préserver dans le même temps une certaine intimité, garante de leur autonomie. À ces deux demandes s’ajoutait une autre contrainte : celle de la place disponible rapportée au nombre important d’utilisateurs. Pour satisfaire au mieux l’ensemble de ces conditions, DEGW France a proposé un dispositif d’organisation du Take Five permettant une prise en charge de l’ensemble des collaborateurs tout en préservant autonomie et ergonomie spatiale.
En premier lieu, les deux plans de travail ont été résolument écartés l’un de l’autre et associés chacun à une cloison de faible hauteur. En second lieu, chaque plateau s’est vu doté d’une séparation transversale, susceptible d’être déplacée à la façon d’un pont mobile, ou d’un curseur, selon la surface allouée à chaque utilisateur. Enfin, pour parachever cette mise à distance de chacun, on a introduit dans l’espace ménagé entre les tables un cinquième poste de travail, à la fois trait d’union et zone protectrice, orienté de manière toute différente cependant, afin de résoudre le problème du face-à-face. En retour, l’ajout de ce cinquième poste a conduit à décaler légèrement un des deux plans de travail principaux, selon un angle suffisant pour rendre optimal l’éclairage naturel, et par voie de conséquence à créer une nouvelle configuration d’espace, inscrite celle-ci dans un trapèze, figure singulière qui a permis d’enrichir la typologie du mobilier et les possibilités d’aménagement.
Entièrement conçu par DEGW France, et réalisé par la société Vitra, le Take Five a servi d’outil pour structurer l’espace de chaque « appartement ». Il lui a permis de garantir la proximité entre collaborateurs, tout en assurant une circulation simple et fluide autour et entre les éléments de mobilier, y compris pour les personnes souffrant de handicaps. Sauf au dernier étage, ces éléments sont fixes et constituent autant d’espaces de travail indépendants. Ils sont néanmoins conçus pour s’adapter et se transformer. Les cloisons séparatrices, constituées par un système de briques empilées, peuvent être facilement ajustées selon les besoins. Les plans de travail sont également réglables en hauteur, d’un simple tour de manivelle, de 65 cm à 75 cm, et jusqu’à 115 cm pour certains. Enfin le « pont curseur », cloison mobile séparant deux collaborateurs, peut occuper quatre positions, selon la surface nécessaire à chacun. Prenant appui uniquement sur la cloison frontale et sur le sol, ce meuble de rangement immédiatement accessible, incluant une corbeille commune, n’établit pas une frontière totalement étanche. Il s’agit bien d’un pont, d’un lien, toujours modifiable.
Le cahier des clauses techniques du Take Five prévoit pas moins de 9 configurations différentes, correspondant à autant de possibilités d’usage, autant de mises en place.
Au lieu d’un cinquième collaborateur, l’espace intérieur peut notamment se voir occupé par une table haute à usage collectif, une bibliothèque ou encore un fauteuil « d’isolement », chaque nouvelle déclinaison répondant à un mode de fonctionnement, de communication et de collaboration différent.
Si le Take Five constitue le cœur de chaque « appartement », ce cœur ne saurait battre sans le réseau d’espaces et de circulations qui l’entourent, et avec lesquels il compose une véritable structure de travail. Le relatif isolement qu’il procure à chacun ne prend tout son sens que conjugué au « menu d’espaces » offert à l’utilisateur du lieu, espaces de retraite ou de réunion, clos, ouverts ou semi-ouverts, selon que la discrétion l’emporte sur la convivialité. Les espaces sont dits « solo », « duo » ou « trio », où l’on s’assemble en petit nombre pour discuter, salles de réunion, points café, cafétérias, salons de détente, tous facilement repérables et directement accessibles.
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Réalisation DEGW France, équipe conduite par Eric Vaiedelich et Meriem Lequesne.
Le projet en chiffres : • 720 postes de travail • 11 étages occupés par Roche Pharma France • 1100 m2 de surface moyenne d’un plateau en batterie haute • Entre 7 et 14 m de profondeurs plateau en batterie haute • 30 % de cloisonnements vitrés • 60 % de surfaces en premier jour • 12 m2 brut en moyenne par poste • 3,7 m linéaires de rangement par poste de travail • 75 % d’espaces ouverts • 25 % d’espaces cloisonnés • 2 niveaux (r+13 et r+19) ouverts sur des espaces végétalisés • 480 m2 d’espaces communs • 900 m2 de terrasses accessibles • 1350 m2 d’espaces verts