Qualité de l’air dans les bureaux
- Créé le 19 mai 2014
- Modifié le 23 février 2022
Corinne Mandin, rattachée au département Energie, Santé, Environnement du CSTB témoigne d'une étude de l'Observatoire de la Qualité de l'Air Intérieur (OQAI) sur les bureaux.
Quel est votre parcours ?
Ingénieure chimiste de formation, je travaille depuis quinze ans sur la qualité de l’air intérieur, plus particulièrement sur les expositions de la population aux substances chimiques présentes dans les bâtiments et les risques sanitaires associés. J’ai rejoint l’équipe de l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur au CSTB en 2009, notamment pour la coordination de la campagne nationale dans les immeubles de bureaux.
Qu’est ce que l’OQAI ?
L’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI) est un programme de recherche pérenne en place depuis 2001. Il est placé sous la tutelle des Ministères (Logement, Ecologie et Santé) en lien avec les agences, comme l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) et l’ANSES, la nouvelle Agence Nationale de Sécurité Sanitaire en charge de l’alimentation, de l’environnement et du travail (issue de la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET en 2010). Ces dernières financent nos travaux sur des axes spécifiques. Elles apportent notamment une contribution spécifique à la campagne « bureaux ». L’OQAI est coordonné par le CSTB qui est l’opérateur technique, chargé d’élaborer le programme d’actions et de mobiliser les partenaires scientifiques et opérationnels pour mettre en place sur le terrain toutes les campagnes et les études évaluées par un conseil scientifique, le tout sous la direction d’un conseil de surveillance.
Comment est née cette étude sur la qualité de l’air dans les bureaux ?
L’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur a déjà conduit une étude dans près de 600 logements français de 2003 à 2005, une campagne nationale dans un échantillon représentatif de toutes les résidences principales de France métropolitaine, pour observer et comprendre la pollution chimique, biologique et physique. Elle a permis d’avoir une photographie de la pollution dans un parc de bâtiments, en l’occurrence le logement, inexistante auparavant. Nous avons ensuite reproduit la même étude dans les écoles, et avons commencé celle pour les bureaux. En parallèle, la Commission Européenne souhaite avoir une vision globale de la pollution dans les immeubles de bureaux en Europe, et finance un projet auquel nous sommes associés, en lien avec la campagne « bureaux », le projet Officair. Il n’y avait aucune donnée sur la pollution chimique, microbiologique et physique dans les immeubles de bureaux en France. Certaines spécificités de ces locaux (nettoyage très fréquent, densité des appareils de bureautique, ventilation mécanique contrôlée plus répandue que dans les logements…) laissaient pourtant envisager des spécificités de la qualité de l’air dans les bureaux. Par ailleurs le confort et l’état de santé perçus par les occupants de ces bâtiments n'étaient pas connus à cette échelle en France.
Quel est le calendrier de l'étude française ?
L’étude a commencé sur le terrain en 2011. Nous avons préparé les protocoles : comment construire l’échantillon de bâtiments à investiguer sur le territoire français, quels paramètres mesurer, comment et combien de temps, avec quels appareils, quels questionnaires poser aux occupants et aux gestionnaires du bâtiment, avec quels opérateurs. Nous avons réalisé deux campagnes pilotes, la première en juin 2009 et la seconde en 2010. En 2010, nous avons plus particulièrement testé le questionnaire sur la santé des occupants et le confort perçu. Il s’agissait de vérifier si les personnes sollicitées acceptaient de répondre, si les questions étaient suffisamment claires, si celles-ci n’étaient pas trop intrusives. Au terme de ces deux ans de mise au point, nous nous sommes déployés sur le terrain à partir de 2011. Pour l'instant, nous avons fait l’étude de 30 bâtiments sur quatre grandes régions. La phase de recrutement est plus longue que prévue. Les décisionnaires sont plus nombreux que dans les logements ou les écoles. Mais le rythme s’intensifie et les accords tombent les uns après les autres pour, nous l’espérons, obtenir 300 immeubles d’ici 2016.
Quels sont les paramètres de l’étude ?
L’étude doit porter sur 300 à 500 immeubles de bureaux investigués pendant une journée chacun. Nous faisons des mesures en 5 points du bâtiment, nous collectons des informations descriptives, sur l’énergie et sur le confort perçu par les occupants sur la perception de l’air, du bruit et de l’éclairage. Un premier intervenant a pris en charge des mesurages simples : des COV (composés organiques volatils émis par les matériaux, les revêtements, les activités, les produits d’entretien…), des particules ultrafines, le dioxyde de carbone et des paramètres d’ambiance que sont la température et l’humidité relative. Les publications scientifiques les plus récentes montrent que les imprimantes et les photocopieurs émettent des particules ultrafines. Nous souhaitions ainsi voir si, à l’échelle d’un bureau ou d’un open space cela peut contribuer significativement aux niveaux intérieurs mesurés, ou bien si ces particules viennent plutôt majoritairement de l’air extérieur. Un deuxième opérateur a pris en charge les questionnaires (aux occupants et aux gestionnaires de l’immeuble). Enfin, une troisième personne s'est intéressée plus spécifiquement à la performance énergétique du bâtiment et documentera les paramètres clés (nature des parois, consommations énergétiques…). Dans une seconde phase, des investigations approfondies seront conduites dans un sous-échantillon de 50 immeubles, avec notamment des mesurages plus poussés de la pollution (concentrations en moisissures, bactéries, allergènes par exemple), de l’acoustique, du confort visuel et du confort thermique.
Comment l'échantillon a-t-il été choisi ?
Nous avons identifié une base de données d’immeubles en France dans laquelle on a tiré au sort aléatoirement des bâtiments pour être représentatifs du parc de bâtiments. Ces immeubles ont été contactés par téléphone et, en cas d'accord, se sont ajoutés à l’échantillon qui au final devait atteindre au moins 300 immeubles de bureaux. Nous avons stratifié par zone géographique pour forcer l’échantillonnage, afin d’avoir des bureaux dans toutes les zones climatiques de France métropolitaine : climats océanique, continental, méditerranéen… et nous avons retenu les grandes villes. Mais nous cherchons à recruter désormais également des entreprises volontaires*.
Avez-vous de premiers résultats à nous transmettre ?
En effet, nous avons les résultats du projet Officair au niveau européen. L’étude a été réalisée sur 177 bâtiments avec un questionnaire sur le syndrome du bâtiment perçu, le confort et un descriptif du bâtiment, puis la prise de mesures sur 40 bâtiments en été et en hiver. Les résultats indiquent que la qualité de l’air intérieur dépend aussi de la qualité de l’air extérieur. La pollution varie selon les saisons, comme pour les logements, et ce malgré le système de ventilation. Il y a plus d’ozone l’été et de benzène l’hiver : des tendances que l’on retrouve dans les bâtiments. Les pollutions sont également différentes selon les étages. Les étages les plus bas sont plus impactés par l’air extérieur et donc par le trafic automobile, soit le benzène et l’ozone, qui entrent dans les bâtiments. Nous avons également fait l’expérience de remplacer les produits d’entretiens classiques par des produits plus sains, sans parfum et à faible émissions, dans un immeuble par pays à un seul étage, sans le dire aux collaborateurs. Six semaines plus tard, les mesures sur le confort et la qualité de l’intérieur avaient déjà changé. Sur le confort, rien n’a été noté, mais sur la qualité de l’air les « déhydes » avaient diminué. En effet, les polluants d'un bâtiment se mélangent entre eux et forment des polluants secondaires parmi lesquels le formaldéhyde. Il y a donc bien des contributeurs multiples à la pollution.
Que pensez-vous des résultats du baromètre Actineo sur la qualité de l'air intérieur perçue par les salariés ?
A partir de 30 % d'insatisfaction et d'inconfort, on considère que le problème est sérieusement à prendre en compte : c’est un chiffre qui n’est plus anodin ! Je dirais qu’il est désormais important, voire incontournable, de concilier les enjeux sanitaires et environnementaux du bâtiment, à savoir la qualité de l’air intérieur et la performance énergétique, tout en prenant en compte le confort et la santé des occupants. Une vision trop cloisonnée des problématiques peut aboutir à des incohérences préjudiciables. Notre campagne nationale, intégrant l’ensemble de ces aspects, sera à ce titre d’autant plus innovante.
*L’OQAI ouvre désormais sa campagne aux entreprises volontaires. Tout immeuble de bureaux en France souhaitant avoir une évaluation de la qualité de l’air intérieur pourra candidater (données technique, énergie, confort) : oqai.cnb@cstb.fr