AVANT-PROPOS

Sept ans de réflexion… et d’action pour une meilleure qualité de vie au bureau !

En créant Actineo, l’Observatoire de la qualité de vie au bureau, en janvier 2005, ses fondateurs, les industriels de l’aménagement et du mobilier de bureau, avaient pressenti que la qualité de vie au travail allait devenir un véritable enjeu de société.

De fait, alors que la pénibilité physique du travail continue à diminuer, notamment dans les usines, les risques psychosociaux au bureau ne cessent de progresser de façon alarmante, au point que les pouvoirs publics ont dû intervenir au nom de la protection de la santé.

Fatigue, irritabilité, stress, dépression pouvant mener au suicide… Et si la souffrance des salariés avait AUSSI un lien avec les mauvaises conditions de travail dans les bureaux ?

A contrario, les entreprises qui investissent dans l’aménagement de leurs locaux, le confort et le design, disent en retirer des bénéfices : performance accrue des équipes, fidélisation des collaborateurs, baisse de l’absentéisme, meilleur climat social, attractivité plus forte auprès des candidats à l’embauche et notamment auprès des jeunes, amélioration de l’image auprès des salariés, des clients et des fournisseurs…

Qui, mieux qu’Actineo, au terme de ses sept ans de réflexion et de confrontation d’idées nourries par une veille scientifique permanente et par l’organisation de dizaines d’ateliers, conférences, visites d’entreprises, rencontres, enquêtes, interviews, reportages… pouvait faire un point de situation objectif, sans complaisance mais sans alarmisme, sur ce qu’est aujourd’hui – et ce que devrait être demain – la qualité de vie au bureau.

Qui mieux qu’Alain d’Iribarne, directeur de recherche au CNRS et président du Conseil scientifique d’Actineo, pouvait nous offrir une synthèse digne de la formidable matière première amassée sous sa direction et en extraire la substantifique moelle ?

Et qui, plus que lui, avait qualité pour nous interpeller avec pertinence – et impertinence ! – sur cette question plus que jamais cruciale pour les chefs d’entreprise et les leaders d’opinion : le bonheur et la performance au travail ? et si tout commençait par les bureaux…

Odile DUCHENNE

Directrice Générale d’Actineo

INTRODUCTION

La souffrance au travail pose aujourd’hui un véritable problème de société et de santé publique dont les conséquences, parfois dramatiques, conduisent à une remise en cause profonde des pratiques de gestion des entreprises et des conditions de vie qu’elles offrent à leurs collaborateurs.

Dans ce contexte, la mission qu’Actineo (Observatoire de la Qualité de vie au bureau) s’est assignée – apporter l’éclairage le plus complet possible sur ce qui fait (ou défait !) la qualité de vie au bureau – est plus que jamais d’actualité. Et même d’intérêt général.

Les facteurs qui influent sur la qualité de vie au bureau* sont nombreux et variés. Certains, comme l’organisation du travail et l’aménagement des espaces, relèvent du pouvoir de gestion de l’entreprise. D’autres, en revanche, comme le fonctionnement des transports en commun ou les aspirations de vie de ses collaborateurs, lui échappent en grande partie.

Au cours de ses sept ans d’activité, Actineo a été amené à aborder des sujets aussi divers que « le stress au travail », « les open space », « les bureaux du nomadisme » ou les vices et vertus des « tours de bureaux » comparées à un immobilier plus horizontal, en « barre » ou en « campus ». Les rapports publics et les enquêtes publiés jusque-là s’étaient surtout intéressés aux salariés. Actineo a voulu aller plus loin en questionnant aussi des dirigeants d’entreprises. Sans rechercher la représentativité, mais en visant plutôt l’exemplarité, Actineo a donc interrogé des responsables de directions générales, mais aussi de directions opérationnelles directement concernées, comme celles de l’immobilier et des ressources humaines.

Chacun a été invité à apporter son témoignage sur sa propre vision et ses propres pratiques, mais aussi à en débattre, sans exclusion et sans tabous, avec d’autres venus d’horizons différents : chercheurs, syndicalistes, médecins…

Il ressort de ces échanges que les orientations en matière d’aménagement physique du cadre de travail sont éminemment variables d’une entreprise à une autre.

Même si, dans la majorité des projets immobiliers, on constate une évolution vers l’« open space » qui conduit à substituer aux bureaux individuels fermés des bureaux plus collectifs ouverts, cette tendance, pour dominante qu’elle soit, n’est nullement monolithique.

À côté de réalisations somme toute assez conformistes, plus ou moins inspirées par les grands « plateaux » manufacturiers du siècle dernier, on trouve ainsi des projets beaucoup plus avant-gardistes et novateurs : des espaces de travail mutualisés et dépersonnalisés, conçus dès aujourd’hui pour les « travailleurs nomades de demain » ; ou, à l’inverse, des bureaux « génération cocooning » afin de « vivre au travail comme à la maison »… Entre ces deux extrêmes se situe toute une gamme de solutions « raisonnables » qui, tenant compte de l’expérience acquise au cours de ces dernières années – en particulier de l’avis des salariés et des besoins spécifiques induits par la géométrie variable du travail collectif –, visent à fractionner les espaces globaux en sous-espaces « fonctionnalisés », diversifiés et personnalisés.

Les choix faits par l’entreprise en matière d’aménagement de ses locaux dépendent certes de son « métier », mais aussi – et peut-être même avant tout – de la vision managériale de ses dirigeants, et de la façon dont ces derniers se projettent sur une société en forte transformation.

Ces orientations sont révélatrices de l’importance que les dirigeants sont prêts à accorder, dans un périmètre budgétaire donné, à la qualité de vie au travail ; mais, au-delà, de leur foi dans l’influence que l’aménagement du cadre de travail peut avoir sur la motivation de leurs collaborateurs et leur efficacité, sur l’image de l’entreprise et sur la relation avec les fournisseurs et les clients.

Confrontés à des aménagements physiques et des façons de travailler ensemble très diversifiés, les salariés vivent un quotidien qui peut, lui aussi, être très différent selon leur place dans l’entreprise et leur personnalité (ces composantes personnelles souvent qualifiées, de façon réductrice, de « psychologiques » sont en fait fortement liées à d’autres facteurs tels que leur trajectoire professionnelle ou, plus globalement, leurs espaces de socialisation en relation avec leur position dans la société et leur situation familiale, l’ensemble façonnant leur identité et, par-là même, leurs comportements affectifs).

Actineo n’entend pas faire du benchmarking, ni a fortiori proposer des recettes miracle qu’il suffirait d’appliquer en suivant la logique si prisée des best practices. C’est pourquoi cet ouvrage accorde une place privilégiée aux interdépendances particulièrement fortes qui lient l’espace de travail, l’organisation de l’entreprise et la gestion des ressources humaines, d’une part à la vie des salariés dans sa globalité, à leurs représentations et à leurs attentes ; d’autre part selon un entremêlement à la fois complexe, diversifié et changeant. Ainsi, en matière de qualité de vie au bureau, les caractéristiques physiques « objectives » du travail, associées à des choix managériaux et à des contraintes plus ou moins fortes découlant du cadre juridique, viennent-elles inéluctablement rencontrer la subjectivité des évaluations humaines, composante incontournable du vécu – mais aussi de la performance – au travail.

Les recherches menées par l’Observatoire de la qualité de vie au bureau permettent de dégager une vision de la situation actuelle en France beaucoup plus nuancée et plus positive que celle qui est habituellement renvoyée par la littérature dominante. L’exemple des entreprises qui ont bien voulu intervenir lors des rencontres Actineo pour y présenter leurs grandes orientations politiques, mais aussi leurs réalisations en matière de qualité de vie au travail, témoigne d’une réelle prise de conscience qui a débouché sur nombre d’actions efficaces. Même s’il reste encore beaucoup à faire.

Même dans le contexte actuel difficile, caractérisé par les fortes pressions qui s’exercent à la fois sur les entreprises et sur leurs collaborateurs, leur exemple montre qu’il est possible, en particulier en se mettant à l’écoute des salariés, de créer un environnement propice à une bonne qualité de vie au bureau. Donc à une efficacité optimale.

* Que cette qualité soit considérée comme subjective, car évaluée selon les dires des intéressés, ou « objective », car mesurée à partir d’indicateurs de « performance ». À ce sujet, voir par exemple la tentative de constitution par le cabinet Mozart Consulting d’un « indice de bien-être au travail » (IBET) lui permettant de calculer sur des bases « objectives » un « taux de mal-être au travail » (TMET). D’après ces indicateurs, les secteurs du tertiaire présenteraient des TMET plus élevés que les autres, et des IBET plus faibles. Les secteurs les plus défavorisés seraient ceux de la santé, de l’hygiène, de la logistique et des services aux entreprises. Source : Mozart Consulting, Rapport d’étude, 5 septembre 2011.

CONCLUSION

S’il n’est toujours pas possible, au terme de ces sept années de réflexion menées par Actineo, de démontrer scientifiquement que la qualité de vie au travail contribue à une certaine efficacité productive, l’inverse en revanche, est prouvé.

Mais si l’on admet qu’il existe un lien étroit entre la qualité de l’aménagement des espaces physiques de bureau et la qualité de la vie au travail, d’une part et celle de la vie hors-travail (y compris les conditions d’habitat et de transport), d’autre part, on débouche sur cet ensemble « systémique », relativement complexe dans ses composantes et ses interactions, qui a servi de fil conducteur au présent ouvrage.

Les entreprises qui sont aujourd’hui compétitives, celles qui ont su innover par la qualité du service rendu aux clients, sont aussi celles qui privilégient la coopération, qui encouragent la mutualisation des savoirs et du savoir-faire, et celles-là même qui ont à cœur de promouvoir la qualité de la vie au travail.

C’est dans cette logique « marchés/services » que l’entreprise performante doit impérativement intégrer dans ses choix financiers la gestion des ressources humaines, l’organisation du travail, la technologie, l’immobilier et tous les équipements et services indispensables à un meilleur cadre de vie au travail. Bref : dépasser l’approche purement comptable au profit d’une vision stratégique, et raisonner en investissements productifs plutôt qu’en dépenses.

À travers les témoignages d’entreprises très diverses, nous avons voulu montrer qu’il n’existait pas une voie pour améliorer la qualité de vie au bureau, mais des cheminements multiples et parfois contrastés, avec toutefois un point commun : à chaque fois, tout commence par une volonté politique et un engagement fort de la direction générale. Si les entreprises françaises ont fait de réels progrès en la matière, on est encore loin de l’innovation et de l’investissement que certaines de leurs homologues européennes déploient au service de l’aménagement du cadre de vie au travail.

Toutes les enquêtes citées et commentées dans cet ouvrage ont par ailleurs montré que les salariés ont une vision assez précise de ce qu’ils veulent ou ne veulent pas en termes d’aménagement et d’équipements de leurs espaces de travail, et qu’ils ne sont ni des acteurs passifs, ni des agents de résistance au changement. Et c’est bien là le cœur du message d’Actineo à tous les managers et chefs d’entreprises de toutes tailles et de tous horizons, du secteur privé et du secteur public : Défiez-vous des économies en trompe-l’œil : investissez dans des espaces de bureaux de qualité, vos salariés le valent bien… et ils vous le rendront au centuple !

POSTFACE

Mutations du travail, nouvelles aspirations des individus en termes d’équilibre vie professionnelle et vie privée, irruption des outils liés au Web 2.0 dans le monde de l’entreprise… Sur ces quelques sujets parmi tant d’autres, les sciences humaines ont « à dire ». Si elles ne permettent pas de livrer des solutions toutes faites – ces dernières étant par ailleurs souvent réductrices, voire simplistes –, elles apportent aux entreprises un éclairage original tant sur le monde qui les entoure que sur leur propre mode de fonctionnement. La sociologie, l’anthropologie, les sciences de gestion… se révèlent être de véritables outils d’aide à la décision.

L’intérêt que présentent les sciences humaines et sociales pour les entreprises est donc maintenant avéré. Néanmoins, celles-ci sont encore nombreuses à ne pas en être persuadées. Démontrer leur pertinence, convaincre les dirigeants d’entreprise de leur bien fondé se révèle encore souvent nécessaire. C’est ce à quoi s’attache l’Anvie depuis 20 ans maintenant : par un patient travail d’évangélisation, cet organisme de valorisation des sciences humaines et sociales auprès des entreprises s’attache, avec un succès certain, à favoriser la rencontre entre les chercheurs et les entreprises.

Ce travail d’explication n’a pas été nécessaire avec les professionnels de l’industrie de l’ameublement, réunis au sein de l’Unifa. En créant Actineo, l’Observatoire de la qualité de vie au bureau, il y a sept ans, ils ont cherché à identifier les nouveaux enjeux du travail pour mieux y répondre. Ils ont voulu comprendre comment l’aménagement de bureau pouvait contribuer à la performance des entreprises et à l’amélioration des conditions de travail des salariés et de la qualité de vie au bureau. Ils ont enfin vu, dans cette démarche, un moyen efficace et original pour répondre aux enjeux de responsabilité sociale qui pèse sur les entreprises vis-à-vis de leurs salariés.

Pour étayer cette affirmation, le recours à des chercheurs en sciences humaines et sociales – et, en particulier, à Alain d’Iribarne, Président du Conseil scientifique d’Actineo et auteur de cet ouvrage leur est apparu naturel.

L’Anvie a immédiatement accepté d’apporter son soutien et son expertise à cette initiative. En effet, depuis près de dix ans, nous explorons le vaste champ de la qualité de vie au travail sous toutes ces facettes. Alors que l’on ne parlait pas encore de stress au travail – et encore moins de « souffrance au travail », selon l’expression maintenant consacrée – l’Anvie organisait déjà, il y a près de dix ans, des rencontres sur les nouveaux risques sociaux, les nouveaux enjeux liés à la santé au travail, le mal-être au travail… où chercheurs et praticiens d’entreprise confrontaient leurs points de vue et leurs expériences. De longue date également, l’Anvie s’intéresse aux enjeux sociaux et humains liés à la politique immobilière et à l’aménagement des espaces de travail au sein des entreprises et au rôle du design.

Ces réflexions n’ont pas cessé depuis : prévention des risques psychosociaux, amélioration de la qualité de vie au travail, conditions de mise en œuvre du télétravail… ont encore récemment fait l’objet de travaux au sein de l’Anvie.

Auprès des professionnels de l’industrie de l’ameublement, l’Anvie a trouvé une réelle ouverture d’esprit et une volonté d’adopter une approche audacieuse qu’il convient de saluer. C’est sur cette base qu’une collaboration exemplaire, dans un climat de confiance réciproque, a pu voir le jour et s’installer dans le temps. L’Anvie espère qu’elle trouvera la même curiosité dans d’autres secteurs d’activité qui, comme les professionnels de l’ameublement, souhaitent se remettre en question, trouver un nouveau positionnement afin de répondre aux enjeux de demain.

Alice Bertrand

Déléguée Générale de l'Anvie

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