Par Clarine Lenormand, consultant ergonome et Alice Huchon, consultante Innovation Design & Matériaux – FCBA

 

Travailler autrement qu’en étant assis devant son bureau, c’est possible ?

Selon l’OMS, la sédentarité touche entre 60 et 85% de la population mondiale dans les pays développés. Une étude plus récente de février 2022 réalisée par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) montre des résultats alarmants : la quasi-totalité de la population française (95%) est exposée à un risque de détérioration de sa santé par manque d’activité physique ou sédentarité. 

Plusieurs recherches tendent à démontrer que la position assise prolongée a des effets négatifs tels que : risque accru de maladie cardiaque, du diabète, augmentation des douleurs musculo-squelettiques, chute du taux du « bon » cholestérol, risque d’obésité, deux fois plus de risque d’avoir un cancer colorectal chez les personnes ayant travaillés assis plus de 10 ans , etc. 

Pour les personnes sédentaires au travail, le compteur peut vite arriver à 8h à 11h par jour de position assise, parfois plus. En effet, ce n’est pas uniquement la position assise lors de la journée de travail qui compte, mais également les activités annexes : temps passé dans les transports, temps dans son canapé, etc. Les franciliens seraient exposés chaque jour à deux heures de sédentarité de plus qu’un habitant en zone rurale, notamment en raison du temps passé dans les transports. 

Le constat est préoccupant lorsque le temps journalier atteint ces niveaux régulièrement. La mortalité serait augmentée de 15% chez les personnes assises plus de 8h par jour et de 40% pour les personnes assises plus de 11 heures par jour . Ainsi, la position assise prolongée pourrait figurer parmi les 10 principales causes de mortalité et d’incapacité dans le monde. François Carré, cofondateur de l’Observatoire de la sédentarité affirme même que rester assis tue plus que le tabac ! « Plus le temps journalier passé en position assise est élevé, plus courte est l’espérance de vie ». Même constat fait par Dr James Levine de la clinique Mayo aux Etats-Unis qui étude les effets de la « chair lifestyle » depuis plusieurs années. 

Pour faire face à cette sédentarité, l’activité physique est essentielle, mais n’est malheureusement pas toujours suffisant. En effet, selon l’article de Duvivier et al. (2013), une heure d'exercice physique quotidien ne peut compenser les effets négatifs de l'inactivité sur le taux d'insuline et les lipides plasmatiques si le reste de la journée est passé assis. 

Alors que faire pour réduire l’inactivité et les risques sur la santé de la position assise prolongée ? 

Réduire l'inactivité en augmentant le temps passé à marcher/debout serait plus efficace qu'une heure d'exercice physique, lorsque la dépense énergétique est maintenue constante.    Sur la base de ces constats, de nombreuses initiatives se développent afin de diminuer la sédentarité au travail.

Voici quelques astuces du quotidien à mettre en œuvre à son poste de travail afin de diminuer les risques liés à la station assise. 

 

Rester assis, pourquoi pas, mais sans être avachis !

En position assise, il est nécessaire de penser à être « grand », c’est-à-dire à avoir une allure fière, en levant le menton sans toutefois le projeter vers le haut. À l'usage, cette habitude deviendra un réflexe et contribuera à maintenir son corps plus droit, donc moins comprimé et en respect des courbures naturelles de la colonne vertébrale (rachis).

Rester assis, pourquoi pas, mais dynamiquement !

Le corps peut perdre de son dynamisme musculaire en le laissant trop longtemps dans la même position, surtout dans une position où celle-ci n’implique pas ou peu d’efforts. Comme rester assis par exemple ! S’installer sur des assises « actives » qui impliquent des micromouvements du rachis, des jambes et des bras pour rester en équilibre paraît alors intéressant. Comme s’installer sur un ballon d’exercice. Pour s’y installer en équilibre, il faut contracter les muscles de la posture. Ce qui implique une sorte d’exercice physique inconscient. En ayant le dos droit on évite d’être avachis.

Voici quelques idées d’assises pour vous maintenir en mouvement :

 Levons-nous !

Au Danemark, une loi oblige les employeurs à fournir des bureaux réglables en hauteur à la demande des employés. Travailler debout est de plus en plus plébiscité et est rendu possible par des technologies réglables en hauteur. La dynamique entre la variation assise et debout favorise une activité musculaire indispensable pour garder une tonicité corporelle.

 

• Travailler debout

Travailler debout permet de faire varier les postures et d’éviter d’être assis durant plusieurs heures par jour. Certaines études  semblent indiquer que travailler debout aiderait à réduire les douleurs au dos.

Toutefois, travailler debout en position statique toute la journée peut également être néfaste pour la santé. Passer radicalement de la station assise à debout sur plusieurs journées de travail peut créer d’autres douleurs (ex : au niveau des hanches, mollets, pieds, etc).

Pour pouvoir continuer à travailler debout de manière plus confortable, un tapis anti-fatigue est convenable. En effet, la répartition des pressions plantaires n’est pas toujours équilibrée : appui plus important sur un pied que l’autre, sur l’arrière ou sur l’avant du pied, etc. Ces effets peuvent provoquer des pathologies. Ainsi, utiliser un tapis anti-fatigue permettrait une équilibration améliorée et éviterait certaines douleurs. Il ne faut pas changer les habitudes drastiquement mais y aller progressivement. 

 

• Travailler en marchant

Travailler en marchant sur un tapis est une méthode encore assez peu développée. Cette façon de travailler peut apporter des effets positifs adapté à l’activité réalisée. Cependant, il faut veiller à commencer doucement afin de laisser son corps s’acclimater et ne pas provoquer des douleurs au pieds.

 

Voici le retour d’une usager Rachel Krantz  auteure de profession, qui utilise le tapis de marche à hauteur de 3 ou 4h/ jour. 

Voici ces retours : 

- Au niveau de sa santé : 

o Elle a cessé d’avoir mal au dos. En une semaine, l’usage du tapis roulant a fait disparaître son mal de dos que son acupuncteur et son kiné arrivaient à peine à soulager

o Elle se lève plus tôt pour faire de l’exercice, ce qu’elle ne faisait jamais avant

o Elle retrouve ses abdominaux

- Au niveau psychologique : 

o Elle s’est rapprochée de sa cheffe. D’humeur plus expansive grâce aux endorphines libérées, elle est moins sur la défensive, plus ouverte, plus réceptive, et a plus d’idées.

- Au niveau de sa productivité : 

o Elle a plus d’énergie l’après-midi. Plus de coups de barre d’après-déjeuner, et comme elle dort mieux aussi, elle a moins besoin de café. 

o Elle réalise mieux certaines tâches que d’autres : pour les appels téléphoniques, visioconférences, e-mails, corrections, editings elle préfère être debout mais pour se concentrer sur l’écriture, elle préfère s’asseoir. 

 

Se promener, c’est aussi permettre de rencontrer d’autres collègues !

Au-delà des effets sur la santé, le fait d'être actif au bureau favorise un meilleur climat de travail, donc un climat social d’entreprise bénéfique. Lorsque l’on bouge à l'intérieur de son organisation, et qu'on sort de nos zones de travail habituelles, nous sommes amenés à rencontrer d'autres collègues. Ainsi, pourquoi ne pas remplacer la « cigarette sociale », ce moment de pause que s’accordent les personnes fumeuses, par la « marche sociale » ? 

Si possible, se réunir rapidement et activement !

Il arrive que certaines réunions ne nécessitent pas de prise de notes et peuvent se faire dans des endroits non dédiés à se réunir. Dans ce cas, pourquoi ne pas sortir, se réunir de façon informelle et en profiter pour le faire sur des temps de marche par exemple. Lors de longues réunions, favoriser les pauses actives. Ceci permet de détendre l’atmosphère, de s’oxygéner, de s’étirer… de souffler intelligemment.

L’ascenseur… à bannir !

Un matin de réveil difficile, en arrivant au bureau, l’ascenseur devient dès lors notre meilleur allié « flemme », surtout si nous travaillons dans des étages élevés. Prendre les marches permet de se réveiller activement et met le corps en action. Ceci permet de sortir de sa torpeur et de s’éveiller. Si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas, cela deviendra rapidement un réflexe !

Pourquoi envoyer un mail à l’autre bout du couloir ?

Depuis l'avènement du courrier électronique (l’e-mail ou courriel en français), nous voyons beaucoup moins nos collègues. Il arrive que nous envoyions des messages à son voisin de bureau. N’est-ce pas un peu trop facile ? Si vous le pouvez, déplacez-vous, allez voir votre collègue et faites-lui part de l’information face à face. Ceci permettra d’échanger dans un temps plus court, qu’attendre une réponse électronique de sa part.

Rendre l’essor des technologies efficient…

…comme par exemple compter ses pas et profiter des applications préinstallées dans les smartphone pour vous accompagner dans votre désir d’être plus actif. Ceci vous donnera un challenge à réaliser au cours d’une journée de travail. Il est recommandé un minimum de 10 000 pas/jour, pour commencer à avoir de bons effets sur notre santé. Au-delà d’un challenge personnel, nous pouvons rendre la chose ludique en challengeant des collègues et faire des petites compétitions. Allez-y, jouez et soyez-le(la) meilleur(e) !

Non, les pauses ne sont pas une perte de temps !

Rapidement, lorsque nous sommes pris dans une activité parfaitement intéressante (cela peut arriver) nous restons longtemps assis, jusqu’à se dire « oh ! Il est déjà 18h ! » et sans s’en rendre compte nous n’avons pas bougé (seulement les doigts sur le clavier, un peu les jambes et très peu le dos). Afin d’éviter cela, accordez-vous des temps de pauses, au moins 1 par heure. Et n’hésitez pas à vous étirer, à bouger, à vous aérer. Il existe des applications smartphone pour vous guider dans vos débuts.

Téléphoner, encore une activité réalisée assise !

Vous avez un rendez-vous téléphonique ? Pourquoi ne pas en profiter pour vous lever et tenir la conversation debout ! Voilà une bonne raison pour faire un réel « break postural » !

S’inventer des excuses

Pour s’obliger à marcher davantage, il est possible d’opter pour une imprimante éloignée de son bureau (surtout si elles sont en réseau), on boit beaucoup d'eau (ce qui nous obligera à remplir notre bouteille et à aller aux toilettes régulièrement), on sort chercher un café ou à manger…

Le midi, seulement manger, c’est fini !

On parle d’entreprises qui de plus en plus offrent des cours en groupe à l’heure du repas de midi… non, ce n’est pas le cas dans une grande majorité. Profitez de ce réel temps de pause pour aller courir, s’abonner à une salle de sport et pratiquer une activité physique régulière proche de son lieu de travail. L’effet n’en sera que plus énergisant et vous éclaircira l’esprit. Ainsi, à votre retour de pause déjeuner, vous serez revigorer et d’attaque pour un après-midi qui filera comme un charme.

Venir ou repartir du bureau est aussi un bon moyen !

Un exemple, s’il vous arrive de prendre le bus pour se rendre à votre travail ou en repartir, forcez-vous à descendre deux arrêts plus tôt et marchez jusqu’à votre bureau. Aujourd’hui certaines entreprises favorisent l’utilisation du vélo par des parkings à vélo et des contreparties financières pour se rendre au bureau avec.